Logement d’abord: Les conclusions d’Action Tank 2017

Il y a dix ans, Les Enfants de Don Quichotte ont réussi à mobiliser politiques,

médias et acteurs associatifs autour d’un projet ambitieux : reloger

massivement les personnes sans domicile. Ce mouvement a conduit à la

mise en oeuvre de nombreuses mesures nationales à partir de 2007. Notons

par exemple la création du droit au logement opposable, la reconquête

du contingent préfectoral, et la mise en place d’un guichet unique pour

les demandes d’hébergement (SIAO). L’alternance en 2012 a apporté un

changement de vocable et de nouvelles mesures, mais une continuité sur

l’orientation générale : favoriser l’accès direct au logement des personnes

sans domicile. Le principe du logement d’abord semble ainsi faire l’objet

d’un large consensus politique.

Au cours de ces dix années, le logement d’abord a également été

mis en oeuvre sur le terrain, à travers des dizaines de projets innovants

et expérimentaux. Ces projets apportent la preuve que la majorité des

personnes sans domicile peuvent accéder et se maintenir dans un

logement, à condition de disposer d’un soutien adapté. Cette vague

d’innovations témoigne d’une volonté de changer de logique de la part

des dizaines d’associations, de bailleurs, de collectivités et de services de

l’État.

Cependant, pendant cette même période, la situation des personnes

sans domicile ou sans-abri ne s’est pas véritablement améliorée. En effet,

en 2012, 141 500 personnes étaient sans domicile, et les enquêtes depuis

suggèrent que ce nombre tend à augmenter. Contrairement à sa vocation

initiale, le DALO ne garantit pas un accès au logement pour tous : en 2014,

59 502 ménages restent à reloger, ayant attendu entre 1 à 7 ans pour une

proposition de logement.

À ce stade, l’approche logement d’abord a surtout été mise en oeuvre

dans le cadre de projets innovants et expérimentaux à petite échelle et,

généralement, pour des publics spécifiques. Certes, des mesures ont été

prises visant à essaimer cette approche pour tout public sans domicile fixe.

Cependant, ces mesures peinent à produire des effets probants à grande

échelle.

Nos analyses ont fait ressortir cinq grands obstacles à l’essaimage du

logement d’abord en France :

une offre insuffisante de logements très sociaux : sur le parc social, la part

des logements « très sociaux » reste insuffisante par rapport aux demandes

et, sur le parc privé, le niveau de logements conventionnés très sociaux

disponibles a sensiblement baissé ;

une faible mobilisation des logements très sociaux, que ce soit sur le parc

social, ou le parc privé mobilisé à des fins sociales ;

un dispositif d’accompagnement sous-dimensionné, éclaté entre

financeurs et opérateurs, parfois inadapté (car limité en durée, pas assez

flexible et pluridisciplinaire) ;

une orientation organisée autour de l’escalier d’insertion puisque la

plupart des SIAO organisent l’accès à l’hébergement des ménages,

une faible part d’entre eux étant outillée pour favoriser l’accès direct au

logement. L’organisation autour de l’escalier d’insertion prime également

dans les représentations de certains travailleurs sociaux, pour qui l’accès

au logement est l’aboutissement d’un parcours d’insertion et le fruit d’un

apprentissage ;

un pilotage complexe des politiques d’hébergement et de logement,

qui peine à fixer un cap clair allant dans le sens d’un accès direct à un

logement pérenne pour toutes personnes sans domicile.

Chacune de ces lacunes devrait faire l’objet de mesures ambitieuses si nous

voulons généraliser l’approche logement d’abord.

https://www.solidarites-actives.com/sites/default/files/2018-03/Ansa_AT_Logementdabord_Rapport_2017_VF.pdf

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